L’affaire du « 36 quai des Orfèvres » n’est pas encore close. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) va examiner la requête déposée par Emily Spanton, cette touriste canadienne qui avait accusé de viol deux policiers d’un prestigieux service parisien.

La CEDH va devoir répondre à la question suivante : au regard de la Convention européenne des droits de l’homme, la France a-t-elle respecté ses « obligations d’adopter et d’appliquer de manière effective des dispositions en matière pénale afin que soient incriminés et réprimés tous les actes sexuels non consensuels » ?

Emily Spanton estime que les autorités françaises n’ont pas assuré « une répression de ces crimes de manière effective sans victimisation secondaire ». Selon elle, l’arrêt d’acquittement de la cour d’appel était motivé de manière « insatisfaisante » et cet arrêt a produit une « victimisation secondaire ». Un verdict contre lequel elle ne pouvait pas exercer de recours.

« Il n’y aura jamais de nouveau procès. En revanche, nous visons l’indemnisation d’Emily Spanton et la condamnation de la France », indique son avocate, Sophie Obadia, qui, avec Me Paul Mathonnet, a déposé cette requête auprès de la CEDH en août 2022. La pénaliste se félicite d’avoir passé « cette première étape » : « C’est un très bon signal. »

La plaignante peut faire valoir sa « victimisation secondaire » pour faire condamner la France. Il s’agit concrètement de déterminer si les autorités se sont bien comportées, indépendamment de la culpabilité du mis en cause.

Pour l’avocate d’Emily Spanton, ce concept de « victimisation secondaire » est « totalement accessible » dans le cas de sa cliente, étant donné la manière « inédite et inadmissible » dont elle aurait été traitée.

« Je n’ai jamais vu, dans un dossier de violences sexuelles, travailler à ce point la vie intime d’une personne victime, remettre en cause à ce point sa parole, assure Sophie Obadia. L’enquête était fournie, mais essentiellement sur l’environnement de la victime, ses habitudes de vie, pourquoi on ne l’aimait pas au Canada, pourquoi elle a changé de travail, etc. »

L’avocate espère que « la CEDH dira que cette façon d’approcher la victime est inadmissible » et que la Cour s’interrogera sur la motivation retenue par la justice française « alors qu’Emily Spanton était en état d’ivresse avancée ». « Dans d’autres pays, la vulnérabilité constatée et mesurée est un indice énorme. »

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